Enfants de septembre
à Jules Supervielle.
Les bois étaient tout recouverts de brumes basses,
Déserts, gonflés de pluie et silencieux ;
Longtemps avait soufflé ce vent du Nord où passent
Les Enfants Sauvages, fuyant vers d'autres cieux,
Par grands voiliers, le soir, et très haut dans l'espace.
J'ai senti siffler leurs ailes dans la nuit,
Lorsqu'ils avaient baissé pour chercher les ravines
Où tout le jour, peut-être, ils resteront enfouis ;
Et cet appel inconsolé de sauvagine
Triste, sur les marais que les oiseaux ont fui.
(...)
Et je me suis dit : Ce n'est pas dans ces pauvres landes
Que les Enfants de septembre vont s'arrêter ;
Un seul se serait écarté de sa bande
Aurait-il, en un soir, compris l'atrocité
De ces marais déserts et privés de légende ?
Patrice de La Tour du Pin.
Sur Patrice de La Tour du Pin :
http://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/patrice-de-la-tour-du-pin-ou-la-104363
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Toute l’amitié du « Monde », par Jean Birnbaum,
LE MONDE DES LIVRES | .
Quand il évoquait le souvenir de Charles Péguy (1873-1914), l’écrivain Georges Bernanos parlait spontanément d’amitié, de présence secourable, de proximité maintenue : « C’est un homme qui, mort, reste à portée de voix, et même plus près, à notre portée, à la portée de chacun de nous, qui répond chaque fois qu’on l’appelle. » Un ami fidèle, vers lequel il est toujours possible de se tourner : tel était, tel demeure le poète et pamphlétaire Péguy.
S’en remettre à lui, cent ans après sa mort sur le front de la Grande Guerre, c’est donc honorer la mémoire d’un ami. Le saluer dans les colonnes du Monde, c’est honorer un compagnon fondateur, puisque Hubert Beuve-Méry le citait par cœur et se réclamait de son Journal vrai dès lors qu’il fallait défendre la lettre et l’esprit de notre quotidien. Inscrire le nom de Péguy à la « une » du « Monde des livres », c’est se souvenir que, pour ce vieux camarade, l’amitié n’était pas seulement une manière d’être, mais une façon de lire, un engagement qui commandait toute relation authentique avec le texte.
Voyez le beau numéro que la revue Europe consacre à l’auteur de Notre jeunesse (nº 1024-1025, 384 p., 20 €). Outre un article d’Alexandre de Vitry, jeune chercheur qui soutient cette semaine sa thèse sur Péguy et signe aujourd’hui le compte rendu du volume de « La Pléiade », on y trouvera des contributions de Michel Jarrety et Jean-François Louette consacrées au « geste critique » de l’écrivain. Violemment hostile aux méthodes universitaires, Péguy défendait une expérience de lecture intuitive, qui consistait non pas à écraser l’écrivain sous une masse de fiches savantes, mais à entrer « dans une vie, dans la contemplation d’une vie, avec amitié ». Comme toujours avec Péguy, cette vision des choses avait ses excès, voire ses ambiguïtés. Mais sa prose majestueuse, insistante, doit encore et toujours nous guider quand il s’agit d’aller à la rencontre des textes, de marquer notre dette à leur égard et d’embrasser leur cause, en toute fraternité.
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Alain Borer, vigie de la langue,
LE MONDE DES LIVRES | 27.11.2014.
Le silure est un monstrueux cousin
du poisson-chat. Une espèce envahissante qui colonise nos rivières et nos
fleuves. Très à l’aise dans les eaux polluées, il dévore tout ce qu’il trouve.
Détruisant dans sa gloutonnerie omnivore la diversité de la faune et de la
flore aquatique. Pour Alain Borer, qui vient de publier chez Gallimard De
quel amour blessée, une suite alarmante de « réflexions sur la langue française », un « silure » est aussi un mot ou une expression
qui engloutit sauvagement toutes les possibilités de son champ lexical. Appauvrissant
le vocabulaire. Dévastant la langue.
La comparaison se révèle
terriblement juste, car, comme les cours d’eau de notre pays, notre langue est
malade, mise en danger par d’incessantes agressions. Et les silures grouillent,
attaquant la syntaxe, le lexique et épuisant les champs sémantiques. Combien
de tournures disparaissent ainsi derrière des « ça va (ou pas) le
faire », des « genre », des « grave », des « on est sur » ou « on est dans » ? Des grappes entières de
vocabulaire se retrouvent grossièrement gobées. « Bouger » est parvenu à écraser toutes les
nuances des verbes indiquant le départ, comme « quitter », « prendre congé », « se lever ». De ceux marquant le
mouvement : « déplacer », « remuer », ou encor...
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est protégé.)
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